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24 mai 2011

Récit de la frontière gréco-turque

La première partie de ce reportage photo a été effectué dans le cadre d’une mission de terrain organisée par la députée européenne Helene Flautre, à laquelle ont participé des membres du réseau Migreurop

Bien que la route de Lampedusa soit de nouveau empruntée, des centaines de migrants essayent toujours de rejoindre le territoire européen en franchissant la frontière gréco-turque. Malgré le « succès » claironné par Frontex, qui se vante d’avoir diminué l’afflux des arrivés du 75% en quelques mois du côté turc, les autorités en charge de migration dans la province d'Edirne (Turquie), parlent d'une augmentation du 207% des interpellations à la frontière.

Le fait qu’en 2010 le point de passage privilégié par les migrants étaient les 12,5 km de « terre » de la frontière gréco-turque, au niveau de Orestiade, a amené la Grèce dans le cadre des opérations Frontex (opération RABIT octobre 2010 et Poseidon mars 2011) à concentrer ses contrôles dans cette zone frontalière en proposant la construction d’un mur anti-immigrés dans cette région. Le projet du mur semble être arrêté pour le moment, mais pas abandonné.

Cette concentration des moyens de contrôle n’a pas arrêté les arrivés de migrants mais a eu comme principale effet le déplacement des points de passage des migrants plus au sud, dans la province d’Alexandroúpolis. Les migrants sont obligés de traverser, à pied ou en canot la rivière. Ces traversées peuvent s’avérer mortelles en hiver où le niveau de la rivière augmente et le froid gèle les corps.

A côté de la frontière gréco-turque, dans le reportage photographique défilent aussi des photos de la frontière Turquie-Bulgarie, qui ne représente pas encore un point importante de passage, mais qu’on prépare déjà en cas d'afflux des migrants, en installant un système de scanner et rayon X qui permet d'identifier des migrants éventuellement cachés à l'intérieur des camions.

Les migrants interpellés du coté turc de la frontière sont amenés dans un centre de rétention.
L'enfermement est un des volets de « gestion de l'immigration » que la Turquie semble vouloir développer grâce à l'aide de l'UE: ainsi 5 nouveaux camps d'enfermement (dont deux financés par l'UE) de 600 places chacun, seront construits afin de multiplier la capacité d'enfermement de 3000 places actuelles à 6000.
Sur les photos, nous pouvons constater les travaux de construction du nouveau centre de rétention d’Edirne ainsi que la plaque d'entrée du camp actuel. A l'intérieur de ce dernier, une dizaine de migrants y sont. Ils ne savent rien de leurs droits, de leur destinée…. Afghans, marocains, iraniens, algériens, majeurs et mineurs, malades, souffrant de troubles psychologiques pour certains : la durée de leur enfermement est indéterminée…

Dans un petit village du coté grec de la frontière se trouve le « cimetière musulman » où sont enterrés les migrants morts à la frontière, de froid ou noyés dans la rivière. Le cimetière est une fosse commune…150 à 200 corps y sont entassés tous anonymes.

Ceux qui sont interceptés du côté grec de la frontière, par la police locale ou dans le cadre des opérations conjointes menées par Frontex, sont amenés soit dans un des deux camps d'enfermement de la région, à Fellaki (à coté d'Orestiade) ou à Venna, à coté de la ville de Komotini, plus éloigné de la frontière ou encore dans un des trois postes de police de la région: Feres, Tychero, Soufli

Les postes de police ont une réelle fonction de centres de rétention, les migrants peuvent y être enfermés jusqu'à 6 mois, dans des cellules de 20/30 mètres, à plus de cent, bien que la capacité soit d'une trentaine de places. Les conditions de vie y sont inhumaines et dégradantes: les retenus ne peuvent jamais sortir et sont obligés, faute de places, à dormir à même le sol à côté des poubelles, dans un endroit insalubre. La durée de détention varie selon la nationalité: pour ceux dont le gouvernement n’a pas signé d’accords d'expulsions avec la Grèce ils ne restent que quelques jours (afghans, irakiens), les autres peuvent y être retenus 6 mois. Les demandeurs d'asile sont enfermés systématiquement pendant 6 mois. Nombreux sont aussi les mineurs enfermés dans ces centres. A l'intérieur du camp de Soufli, lors de la visite, il y avait une soixantaine de migrants: d'Afghanistan, de Saint Domingue, du Nigeria, d'Iran, du Pakistan, etc
Dans les camps d'enfermement (cra et locaux de police) sont présents les fonctionnaires de Frontex, qui font du « screaning »: identification de la nationalité qui permettrait ensuite de faciliter les expulsions(système également utilisé en Grèce également coordonné par Frontex). Le gouvernement grec[1] a annoncé la construction de nouveaux camps d'enfermement: Laconia, sparta , Chios, Mersinidi, Εlliniko, Attica, Petrou Ralli Police Station, Aspropyrgos, Attica.

Ceux qui sont relâchés, sortent des camps avec un papier d'expulsion, qui leur notifie, en grec, qu’ils ont un mois pour quitter le pays. La prochaine étape pour tous est Athènes. Ceux qui ont 70 euros peuvent utiliser le bus mis à disposition par les autorités des camps pour rejoindre Athènes., la plupart des autres sont obligés de rejoindre Alexandroúpolis à pied distant de 130 kms, puis un train qui les amènera à Athènes. A Alexandroúpolis, à l'heure du départ des trains, à 8h du matin et à 19h du soir, les migrants convergent vers la gare et attendent que leur soit ouvert le seul wagon qui leur est »réservé » . Il leur est interdit de voyager avec les autres passagers..

Sur les photos, on suit un groupe d'afghans qui vient de sortir du camp de Fellaki, et qui marche de 14h00 à 7h00 du matin, sans interruption, pour 130 km, pour rejoindre Alexandropulis. Pendant la marche, ils parlent des frontières qui viennent de franchir aussi des pays qui souhaitent rejoindre, Allemagne, France, Angleterre....mais il reste avant à rejoindre Athènes, Patras et Igoumenitsa, pour fuir la Grèce, en ayant conscience que les relevés de leurs empreintes digitales faits au camp, risquent de transformer leur voyage en une errance qui peut durer des mois, voir des années.

Voir : [1]

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