21 juil. 2007

Les inspecteurs du travail refusent de dénoncer les sans-papiers

"La CGT devrait attaquer le décret d’attribution du ministère de
l’Immigration, qui veut s’appuyer sur la direction générale du travail."


Par Catherine Coroller
QUOTIDIEN : samedi 7 juillet 2007

Les inspecteurs du travail aux ordres de Brice Hortefeux pour faire la
chasse aux sans-papiers employés au noir ? Lorsque leurs représentants
syndicaux ont lu le décret d’attribution du ministère de l’Immigration, de
l’Intégration, de l’Identité nationale et du Codéveloppement publié le 31
mai, ils ont bondi. Son article 4 prévoit en effet que «pour l’exercice de
ses attributions, le ministre dispose» de toute une série de directions
administratives, dont «la direction générale du travail». Celle-ci restant
toutefois statutairement rattachée au ministère du Travail. Pour l’heure,
la CGT, Sud-Travail, et le Snu-Tef, les principaux syndicats des
inspecteurs du travail, n’ont pas rendu leurs inquiétudes publiques. Mais
la CGT va bientôt attaquer le décret devant le Conseil d’Etat. Et
Sud-Travail y réfléchit : «On ne veut pas être transformés en auxiliaires
de police», explique Pierre Jouanny, son secrétaire national. Pour ces
organisations, la mission des inspecteurs du travail est, selon la loi, de
contrôler les employeurs, pas les salariés. «La philosophie de notre
pratique est de relever les infractions commises par les chefs
d’entreprise», explique Luc Béal-Rainaldy, secrétaire général du Snu-Tef.
Or, depuis son arrivée au ministère de l’Intérieur, en 2002, Nicolas
Sarkozy s’en prend également aux salariés sans-papiers, pourtant
considérés comme victimes aux yeux des inspecteurs du travail. En 2003, le
ministre de l’Intérieur a ainsi fait voter une loi sur l’immigration, dont
une disposition rend les étrangers en situation irrégulière employés au
noir passibles de 3750 euros d’amende et d’une interdiction du territoire
français de trois ans.

Ouvre-boîtes.

Les syndicats ont protesté contre cette injuste «criminalisation». Mais
eux aussi sont soumis à des pressions croissantes : «Depuis qu’il y a un
durcissement sur l’immigration, le pouvoir politique cherche à nous
embarquer pour faire la chasse aux étrangers», affirme Yves Roupsard,
représentant de la CGT. Pour les policiers, les inspecteurs du travail
sont des auxiliaires précieux : «Les services de police ne peuvent pas
pénétrer dans les entreprises sans l’autorisation d’un juge, alors que
nous, on peut y entrer à tout moment, de jour comme de nuit. En fait, on
leur sert d’ouvre-boîtes» , explique Luc Béal-Rainaldy. Mais à en croire
Pierre Jouanny, «les agents refusent majoritairement de participer à ce
genre de descentes.» Dans une motion votée en 2005, les autres
organisations avaient d’ailleurs écrit : «Nous n’acceptons pas d’être
transformés en auxiliaires, supplétifs des services de police, et nous
rappelons le principe d’indépendance attaché à l’exercice de notre
mission, garanti par la convention OIT n°81, selon laquelle nous devons
pouvoir rester maîtres de l’appréciation des suites réservées aux
contrôles , ce qui n’est évidemment pas le cas des opérations projetées.»
Aujourd’hui, Luc Béal-Rainaldy se dit «très inquiet». La CGT devrait
attaquer le décret sur deux points : p armi les missions du nouveau
ministère figure ainsi «la lutte contre le travail illégal des étrangers».
Or, «le délit de travail illégal concerne toute personne qui le commet; ne
parler que du travail illégal des étrangers est discriminatoire», affirme
Yves Roupsard.

Réticences.

L’autre recours porte sur la faculté offerte au ministère de
l’Immigration, de disposer de la direction générale du travail. Le mois
dernier, les syndicats ont rencontré leur nouveau ministre de tutelle,
Xavier Bertrand. Selon le représentant de la CGT, «ils sont très emmerdés,
ils se sont rendu compte que les réticences chez nous sont très fortes.»
Le syndicat espère que les associations de défense des étrangers, voire
les universitaires qui se sont insurgés contre l’intitulé d’un ministère
associant «immigration» et «identité nationale», vont se joindre au
recours déposé devant le Conseil d’Etat. Vendredi, le ministère de
l’Immigration n’avait pas répondu aux demandes de précision de Libération.

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