L'Hérault du Jour - vendredi 20 août 2007
Les mariages mixtes tendent à être de plus en plus facilement assimilés à des mariages blancs. Le durcissement de la législation facilite l’expulsion des conjoints de Français et met des bâtons dans les roues de l’immigration familiale. Depuis juillet 2006, ces derniers ne se voient plus délivrer un titre de séjour dans les six mois suivant le mariage, et doivent avancer trois ans de vie commune pour ne plus être expulsables. Dans cet intervalle, on les inquiète en multipliant interpellations et gardes à vue, jusqu’à les renvoyer dans leur pays quérir un visa long séjour que les préfets ont pourtant le pouvoir d’accorder en France. Un sésame aux alouettes dont la lenteur d’obtention sépare les couples pendant des mois. Mesure de dissuasion envers les faux mariages et prive-l’amour envers les vrais, qui pourrait s’enraciner dès septembre.
La Cimade dénonce actuellement une nouvelle pratique en phase avec cette tendance coercitive : interpeller les conjoints de Français en attente de régularisation et faisant l’objet d’une mesure d’éloignement, à la préfecture ou à leur domicile. Les arrêter et les placer en garde à vue. Avec expulsion à la clé dans le pire des cas, comme pour Mhand, tout juste marié avec Virginie, interpellé en préfecture alors qu’il venait mettre ses papiers en règle et renvoyé illico au Maroc le 10 juillet du centre de rétention de Sète.
Pour résister à ces dispositions, cinquante familles à Montpellier ont monté le collectif " Des amoureux au ban public ". Les histoires vécues et relatées par deux couples mixtes jeudi dans les locaux de la Cimade, sont édifiantes.
Fatna, 53 ans, s’est mariée avec Gérard en 2004, " ancien combattant porteur du drapeau qui a donné sa santé pour la France " rappelle-t-elle. Après trois refus de régularisation, elle est en attente d’un recours devant le tribunal administratif le 29 septembre prochain.
Le 16 juillet, quatre policiers font irruption à son domicile, frappent à la fenêtre, l’exhortent à sortir, la loi n’autorisant pas son arrestation à l’intérieur. Et l’embarquent aussi sec. Pendant le trajet, on lui ordonne de ne pas répondre aux appels qu’elle reçoit sur son portable en lui précisant qu’on " n’est pas au Club Med ". Au commissariat, les questions indiscrètes, posées par un homme, se multiplient. On lui demande de décrire sa première relation sexuelle avec son époux, on lui reproche de mentir, on la place en garde à vue. " Ils m’ont fouillée, ont relevé mes empreintes et prise en photo de face et de profil comme une criminelle ". Suite à l’intervention du collectif et à un appel de la préfecture, Fatna est libérée… et traumatisée.
Autre histoire, même violence. Majid, Français d’origine marocaine, et Samira se sont mariés le 24 février 2007. Ils vivent avec le fils de Majid et Samira attend un bébé. " On est heureux tous ensemble " sourit Majid. Deux mois plus tard, Samira reçoit une invitation à quitter le territoire en réponse à sa demande de régularisation.
Suite à l’appel de cette décision, elle doit aussi être entendue par le tribunal le 29 septembre. Mais le 17 juillet, scénario identique. Samira est tirée de sa douche par deux gendarmes qui frappent à sa porte à Pignan. La future maman qui ne saisit pas ce qui se passe n’a pas le temps ni le droit de contacter son mari.
On l’embarque les cheveux encore pleins de shampoing, sans lui fournir d’explication. Nouvelle suspicion de mariage blanc et mêmes questions, jusqu’à l’indécence : " l’enfant que vous portez est-il bien de votre de mari ? ". Une nouvelle fois, la Préfecture intervient suite à un appel du collectif et demande au commissariat de la remettre en liberté.
" Ces nouvelles mesures ne sont pas humaines, on broie les gens, on joue sur la peur, c’est une maltraitance inutile et gratuite. On est dans l’indigne " dénonce la Cimade en s’interrogeant sur les commanditaires de ces interpellations qui n’avaient pas cours dans le département il y a encore trois semaines. " Qui transmet les coordonnées de ces personnes ? Dans la mesure où la préfecture les fait libérer ensuite, est-ce que la police agit de son propre chef ? "
Attribution de visas touristiques et artistiques de plus en plus restreinte dans les ambassades de France sur tout le continent africain, présomption de faux mariage, l’immigration sélective s’organise. Et les amoureux mis au ban, s’ils ne sont pas séparés d’office, n’osent plus sortir de chez eux.
Anne Leray
2 commentaires:
Le site du Collectif : http://amoureuxauban.net
OK,bien vu.
A bientôt
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