21 sept. 2007

Xénophobie d'Etat

Le dernier avatar de la politique initiée par M. Sarkozy, depuis
qu'il a accédé au poste de ministre de l'intérieur, est d'interdire
aux étrangers susceptibles de bénéficier du regroupement familial,
d'avoir des enfants adoptés. Il faut qu'ils en soient les géniteurs
génétiques et pas apocryphes. Peu importe qu'une telle démarche soit
interdite en France où, heureusement, la famille ne se réduit pas à
la biologie. On sait, depuis la création du ministère de l'identité
nationale, que les étrangers ne sont plus tout à fait des hommes et
des femmes, mais de dangereux individus qui mettent en péril la
cohésion sociale, culturelle et économique de notre pays. Il faut, de
plus, qu'ils parlent français avant d'en atteindre les rives.

Les millions d'immigrants venus dans notre pays au cours du XXe
siècle, africains, asiatiques, européens, juifs, maghrébins, et j'en
oublie, ne parlaient pas tous notre langue et ils ont su l'acclimater
et l'enrichir. Exiger d'un étranger qui vient en France qu'il parle
français, c'est nier sa qualité d'étranger, c'est refuser
l'enrichissement que constitue l'échange culturel, c'est dire que
l'on ne veut d'étranger que fait au moule d'une certaine idée de la
France. Ces mesures dépassent de très loin le débat autour de
l'immigration. Elles construisent, petit à petit, une image de
l'étranger assiégeant la France, et lorsqu'il a réussi à y être
présent, il devient une sorte de produit corrosif qui dissout la
communauté nationale à coups de polygamie ou d'affrontement entre
l'Islam et l'Occident.

Quand il n'est pas celui qui refuse de s'engager dans la voie du
progrès, comme a su si bien le dire Nicolas Sarkozy à Dakar. Ce
discours n'a rien de nouveau, il est celui d'une partie de la droite
et de l'extrême droite en son entier depuis que la République existe.
Cette politique concentre sur les étrangers nos peurs et nos haines,
les transforme en danger et les regarde comme inférieurs. Elle
implique qu'ils soient assimilés à des chiffres, celui des expulsions
faites ou à faire ou celui des allocations familiales. Les femmes et
les hommes disparaissent derrière leur statut, les enfants n'ont plus
d'âge et représentent le même danger que leurs parents. Ayant
déshumanisé les étrangers, il n'y a rien d'anormal que l'on tente de
les mettre à part de la communauté des hommes et que l'on menace les
hommes et les femmes qui les défendent. S'en protéger est si
nécessaire qu'il faut décréter que toute personne née à l'étranger,
dans les anciennes colonies ou de parents étrangers doit justifier
qu'elle est française, faisant de millions de personnes des suspects,
obligeant certains, dans le pays de la laïcité, à brandir leur
religion en guise de preuve.
Petit à petit, des étrangers on en vient à ceux qui pourraient l'être
soit administrativement, soit en raison de leur physique. La
xénophobie d'Etat s'installe, et elle frappe tout apport allogène ou
supposé. Le message de la France perd alors son universalité au
profit d'une conception de l'identité qui exclut l'autre et nous
enferme dans une France immobile et repliée sur des angoisses
préconstruites et instrumentalisées. Je ne sais comment les
historiens qualifieront cette période dans quelques années. Je sais,
en revanche, que cette idée de la France n'a jamais porté que haine
et drames.

Michel Tubiana, président d'honneur de la LDH
20.09.07.

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