24 févr. 2008

COMMUNIQUE DU DOCTEUR FRANCIS REMARK

Suite à l’audience du 2 février 2008, la Chambre Disciplinaire du Conseil Régional de l’Ordre des Médecins écrit : «Considérant qu’il résulte de l’instruction, que le Dr REMARK a [...] adressé à une cinquantaine de ses confrères un courrier qui contenait un certificat nominatif explicite concernant la situation médicale et politique et qui exposait, d’une part, l’échec des différentes démarches accomplies jusqu’alors auprès des services de la préfecture de la Dordogne et, d’autre part, la nécessité de constituer un comité de soutien ; que, dans ces conditions, et alors même que cet envoi n’était destiné qu’à des praticiens également tenus au secret médical qui était d’ailleurs rappelé dans ce courrier et que ledit envoi avait été précédé de l’accord des deux patients étrangers, le Dr REMARK a manqué à son obligation de secret professionnel ; qu’il sera fait une juste appréciation des circonstances de l’espèce et notamment de l’objectif humanitaire que poursuit le Docteur REMARK, en infligeant à l’intéressé en application de l’article L.4124-6 du code de la santé publique, la peine du blâme. ».

Ainsi, la communication d’éléments médicaux confidentiels à des confrères est considérée ici comme violation du secret médical alors que c’était la seule solution médicale pour obtenir les soins et la protection pour des patients réfugiés, profondément affectés et perturbés psychiquement par les violences subies dans leur pays d’origine. Le blâme serait donc le prix à payer pour cet « objectif humanitaire ». Le secret médical autoriserait donc le renvoi de réfugiés au pays qui les a violenté. Le secret médical autoriserait-il le renvoi d’enfants à des parents qui les ont maltraités, le renvoi de femmes à leurs maris qui les ont abîmées ?

Ce que propose la Chambre Disciplinaire, c’est de choisir, contre l’intérêt du patient et contre le droit au soin, une interprétation non pas rigoureuse, mais réductrice du secret médical. Il serait préférable de suivre les recommandations de l’Association Médicale Mondiale qui a, sur ce sujet en particulier, une traduction proche de la mienne, et plus conforme à l’éthique de la vocation médicale.

Dans ce conflit, je préfère alors être « blâmé » qu’être du côté des « blâmeurs » qui négligent les droits aux soins et au respect des personnes étrangères malades, car ce sont des étrangers, et ceci en contradiction avec les devoirs déontologiques des médecins.

Ces enjeux de la condition humaine et du pouvoir sont toujours à travailler. Ils le sont par les luttes sociales, par les travaux des philosophes, des historiens et des psychanalystes. L’esprit de la Résistance en donne une référence.

Dans les années 70, l’Ordre des médecins s’était compromis en soutenant l’Ordre politique réactionnaire de l’obscurantisme, en particulier contre le droit à l’avortement, ce qui avait conduit à de multiples demandes de sa suppression. Il serait dommage que l’histoire se répète.

De façon à maintenir la question humaine de l’inacceptable mépris porté par les autorités de l’Etat, et de l’indifférence des autorités médicales vis-à-vis des situations des étrangers malades, et avec les soutiens confraternels, individuels et associatifs qui me sont accordés, je décide de faire appel de ce jugement. La lumière doit continuer à éclairer l’éthique de la situation des étrangers, des étrangers malades, du secret médical, et des relations avec les pouvoirs qui demandent la discrimination. L’usage du secret médical mérite d’être reconnu pour être au service du patient et non soumis, comme il l’est de plus en plus aux dérogations de la loi du pouvoir dans un but de contrôle financier, administratif ou répressif.

Dr Francis Remark

6 commentaires:

Anonyme a dit…

Encore bravo Dr Remark pour votre écoute attentive à la souffrance des individus quels qu'ils soient et pour votre lutte contre les pouvoirs médicaux, politiques et administratifs déshumanisants.

Anonyme a dit…

Bravo à vous pour votre a vous Dr Remark!
Et sachez qu'à mes yeux recevoir un blâme de la part d'un "troupeau d'âne" est un honneur!
Tenez nous au courant pour la suite des démélés administratifs!
En attendnat je relaie cette info dans les réseaux auquels je participe.
Amitiés

carolcen a dit…

bravo pour votre courage et votre discernement. moi et ma famille et mes amis vous soutenons. merci. notre époque n'est pas facile et je suis heureuse de voir votre courage.

LEBRIN a dit…

Continuons en effet à être du côté des "blamés", des licenciés, des empêcheurs de rejeter en rond, si nos positions, elles, sont du côté de ceux qui sont exclus et maltraités .
Bravo de soutenir la place du faible et surtout d'en accepter les risques.
Le monde des soignants est décidément mal compris dans cette affaire !

sylvie le gorrec a dit…

bravo au blâmé, il y a une toute autre dignité à se battre pour des valeurs humanitaires qu'à rabâcher des vieilles lunes de soi-disant (contre)règles, desséchées de leur sens ;
ce n'est jamais du côté de ces machins pétainistes que sortent des étincelles de vie !!!
bravo pour le courage de continuer... on transmet à tous ceux qui veulent soutenir le Dr

jvdoubov a dit…

Bonjour cher confrère
Si j'étais vous, j'aurais la tentation d'ajouter à mes en-têtes "blâmé par le Conseil de l'Ordre des médecins", comme un titre de gloire !
Je vous ai apporté mon modeste soutien dans un texte intitulé "L'Ordre des médecins toujours aussi néfaste", sur mon blog, à l'adresse http://lebloganti-knock.blog.20minutes.fr/
Car j'ai fait partie des médecins agréés "désagréés" pour cause de trop grande efficacité pour obtenir des titres de séjour aux étrangers malades... Une plainte a été déposée pour discrimination à la Halde, et aussi devant le tribunal administratif : il y a 1 an et demi, et rien ne bouge...
Courage et confiance. Continuons à résister, et nous verrons un jour ces heures sombres s'estomper.
Amicalement
Dr Jean DOUBOVETZKY