18 févr. 2009

QUELQUES CLEFS POUR COMPRENDRE LES PROBLEMES EN PALESTINE.

I LA PALESTINE JUSQU’EN 1917

11 La Palestine un espace convoité.

Une province de l’Empire Ottoman, entre la Méditerranée et le Jourdain, principalement
peuplée par des populations arabisées et musulmanes qui n’ont pas encore une conscience
nationale proprement palestinienne.
Une Terre Sainte et une Terre promise : la Palestine occupe une place majeure dans
l’imaginaire juif, chrétien et musulman.

Du fait de l’entrée en guerre de l’Empire ottoman aux côtés de l’Allemagne, Anglais et
Français appuient les aspirations nationales arabes contre les Turcs tout en visant à installer leur influence dans la région dans le cadre d’un démantèlement de l’Empire ottoman après la victoire. La Palestine est alors revendiquée à la fois par les Anglais (espace stratégique pour protéger le canal de Suez et assurer la continuité Egypte-Irak), par les Français et par les Arabes dans le cadre du Grand Royaume Arabe qui leur est promis par les Anglais.

12 Le sionisme

En 1916, il existe une présence juive en Palestine : entre 60 000 et 80 000 hbts soit issus des communautés juives toujours restées sur place soit issus des premières vagues d’immigration venues d’Europe centrale et surtout de Russie fin XIX° début XX°.
Le fait nouveau c’est l’émergence du sionisme, principalement sous l’impulsion de T HERZL
(L’Etat de juifs 1896) et dans un contexte marqué par des pogroms en Russie d’une part, par l’Affaire Dreyfus d‘autre part d’où l’aspiration à une solution nouvelle pour assurer la sécurité des Juifs.

Le sionisme est un nationalisme juif qui entend « faire du national avec du religieux » (F
FUERET). C’est la forme juive du mouvement national européen : créer un Etat juif en Palestine pour donner au peuple juif un Etat national sur le modèle des Etats nationaux européens. Selon H. Sidbotham (dirigeant sioniste): « Par Etat juif nous entendons un Etat pas seulement composé de Juifs mais dont le caractère dominant sera aussi juif que l’Angleterre est anglaise ».
Le sionisme est fondé sur 4 hypothèses : – l’existence d’un peuple juif (S SAND Comment le peuple juif fut inventé analyse ce postulat) – l’impossibilité de l’assimilation du peuple juif par les sociétés où il vit dispersé – le droit du peuple juif sur la Terre promise – l’inexistence en Palestine d’un autre peuple qui serait lui aussi sujet de droits.

Les sionistes réclament la Palestine pour deux raisons : d’une part une attribution territoriale de droit divin, par essence indiscutable mais placée du coup hors du champ politique, d’autre part en vertu des droits historiques liés à la présence de royaumes juifs en Palestine entre le XII° siècle avant JC et le début du Ier siècle après JC.

13 Les contradictions du sionisme.

Bien que laïc, le sionisme a du emprunter à la tradition religieuse pour légitimer sa revendication de la Palestine si bien que la dimension religieuse est toujours sous jacente. Les Israéliens croient que Dieu leur a promis cette terre…, même si ils ne croient pas en Dieu !
Le sionisme est loin de faire l’unanimité au sein des communautés juives. Ceux qui sont attachés à l’idée d’assimilation (cf. L’Alliance israélite universelle) considèrent que le judaïsme est une religion et non une identité nationale et dénoncent le risque que constitue la création d’un Etat juif au cœur du monde arabe. Beaucoup posent aussi très lucidement le problème de la population arabe de Palestine Cf. un article de L’Univers israélite du 29/01/1897 :

« Herzl a oublié de nous dire ce qu’il comptait faire de la population arabe de Palestine : devra-t-elle se retirer devant le flot de nouveaux arrivants et émigrer à son tour vers quelque terre inconnue ? Sera-t-elle au contraire autorisée à demeurer dans ses pénates et quelle sera en ce cas sa situation ? La considèrera-t-on comme étrangère au pays où elle est née ? Mais alors vous la dépouillerez de sa nationalité et vous la condamnerez elle-même à l’intolérable sort dont vous voulez délivrer les Juifs de certains pays d’Europe. Si au contraire vous décidez comme il n’est que trop juste qu’il n’y aura aucune différence de traitement entre les anciens et les nouveaux habitants, que les uns et les autres seront les citoyens de la même patrie et jouiront des mêmes droits politiques, civils et économiques, vous n’aurez pas fondé un Etat juif mais vous aurez tout simplement créé un Etat semblable à beaucoup d’autres Etats modernes où plusieurs confessions religieuses peuvent vivre côte à côte mais où aucune d’elle n’a de prééminence. Qui nous garantit au surplus que les Juifs ne seraient pas en minorité dans le nouvel Etat et n’y souffriront pas de nouveau de cet antisémitisme qu’ils avaient voulu fuir ? Et ne serait-ce pas une folie que de leur faire abandonner leur patrie s’ils étaient exposés à retrouver les mêmes maux dans la patrie nouvelle ? »

Les sionistes répondent soit en considérant qu’il n’y a pas de problème car la Palestine est
« une terre sans peuple pour un peuple sans terre (I ZANGWILL 1901) soit en affirmant que la mise en valeur de la Palestine par les sionistes sera un bénédiction pour les deux peuples, les sionistes permettant l’intégration des Arabes dans le monde moderne.
II 1917 1937

21 La Déclaration Balfour en 1917

Elle promet la création d’un Foyer national juif en Palestine : « Une nation a solennellement promis à une seconde le territoire d’une troisième ». A Koestler. Les termes utilisés sont inacceptables pour les Palestiniens, désignés comme « communauté non juive » dont les droits politiques sont ignorés, dans la logique d’une « terre sans peuple ».

22 La mise en place d’un Foyer national juif.

Le Royaume Uni obtient mandat sur la Palestine en 1920 et y installe un FNJ, ignorant les
Palestiniens en tant que peuple ayant des droits politiques et territoriaux sur la Palestine. Les Arabes de Palestine se considèrent comme victimes d’une double occupation : par les sionistes (le FNJ est de leur point de vue une colonisation) et par les Anglais (qui les soumettent à un mandat au lieu de l’indépendance promise). Ils éprouvent un sentiment profond et intense de spoliation brutale qui les conduit à des positions rigides.
De leur point de vue tout compromis consiste à accepter de céder une partie d’un territoire qu’ils estiment le leur alors que tout compromis est une victoire pour les sionistes qui peuvent donc être plus souples. Ils subissent la présence juive, se voit refuser l’indépendance promise et sont qualifiés de « communautés non juives » dont les droits politiques sont bafoués. D’où le rejet du sionisme et les débuts de l’émergence d’une identité palestinienne.

23 Mise en valeur de la Palestine et organisation du FNJ (ou Yichov)

Le FNJ se dote progressivement de tous les attributs de la nation (territoire, langue, culture nationale, institutions autonomes, forces d’autodéfense ou Haganah). La population augmente et le développement économique permet la création d’une économie moderne (infrastructure ferroviaire et routière, réseau électrique, réseau de coopératives agricoles).
Le Yichov refuse toute collaboration politique, économique et sociale avec la population palestinienne arabe. L’exclusivisme est considéré comme indispensable à la constitution d’un FNJ dont le critère d’appartenance a une dimension religieuse, ce qui interdit l’émergence d’une citoyenneté purement laïque qui pourrait être ouverte aux Palestiniens arabes. L’exclusivisme « socialiste » (ne pas exploiter le travail arabe) conforte le précédent. Il faut créer un Etat au sein duquel les Juifs soient majoritaires et cela conduit à nier les droits nationaux des Palestiniens arabes. Face au sionisme officiel majoritairement socialiste, se dresse le sionisme révisionniste (Jabotinsky) qui rejette le socialisme, prône un nationalisme radical et une colonisation massive accompagnée de l’expulsion des populations arabes. Il se dote en 1937 d’une milice, l’Irgoun dirigée par M BEGIN qui mène des actions terroristes contre les populations arabes.

24 La communauté palestinienne arabe

Elle refuse de mettre en place des institutions de self-government car les Anglais les
conditionnent à la reconnaissance de la Déclaration Balfour qu’elle récuse. Ils s’organisent surtout sous l’autorité du Mufti de Jérusalem à la tête d’un Conseil suprême musulman. Le sentiment national palestinien se construit autour des pb posés par les transferts fonciers au bénéfice des kibboutz (les terres sont légalement achetées mais à des propriétaires absentéistes avec au bout du compte expulsion des tenanciers traditionnels) mais aussi autour du fait que les sionistes introduisent une modernité de type européen qui choque les populations arabes.

25 Tensions et affrontements entre sionistes et Palestiniens arabes.

Elles sont récurrentes, des émeutes de 1920-21 à la grève de 1936. Et les tensions sont
avivées par l’intensification de l’immigration à partir de 1933 (arrivée d’Hitler au pouvoir). Les Juifs passent de 18% à 30% de la population de la Palestine entre1931 et 1935.

Ces luttes contribuent à forger les identités nationales respectives des populations du Yichov
et des Palestiniens arabes, détériorent l’image que ces populations se font l’une de l’autre et
radicalisent les positions.
Les sionistes abandonnent le discours utopique selon lequel le développement socialiste de
la Palestine se ferait au bénéfice de tous ses habitants, Juifs et Arabes. Ils justifient désormais leur présence en Palestine en soutenant que la Palestine est indispensable au peuple juif mais non à une nation arabe dont elle ne constitue qu’une petite province que les Arabes peuvent abandonner.

Les Palestiniens arabes commencent à se doter de structures politiques modernes mais
s’enferment dans une stratégie du refus dont on comprend bien les origines mais qui est politiquement stérile compte tenu du rapport de forces. En 1936, une grève générale massive témoigne de la maturation du mouvement national. Elle débouche sur la 1ère proposition de partition de la Palestine, le plan PEEL de 1937, rejeté tant par les Palestiniens arabes que par les sionistes.

III 1937-1948 : la victoire des sionistes aux dépens des Arabes et des Anglais

31 La révolte palestinienne de 1937

Il faut souligner l’ampleur du mouvement, la gravité extrême des violences : actes terroristes contre les Palestiniens soupçonnés de collaboration et contre les populations juives, actions terroristes de l’Irgoun contre les populations civiles arabes dont la pose de bombes dans les souks et les attentats à la voiture piégée, brutalité de la répression contre les Palestiniens dont les élites dirigeantes sont décimées par la répression.
Cette révolte et l’approche de la guerre conduisent à un tournant dans la stratégie britannique.
Convaincus que l’appui des Juifs est de toute manière acquis dans un affrontement contre le nazisme, ils choisissent de privilégier leurs liens avec les Arabes ce qui suppose une politique britannique plus favorables aux Palestiniens arabes.
C’est l’objet du Livre blanc de 1939 : les Britanniques lâchent les sionistes. La GB affirme n’avoir jamais voulu faire de la Palestine une Etat pour les Juifs. Elle ne doit pas être partagée et on doit aller en dix ans vers l’indépendance d’un état palestinien avec institutions arabo-juives de self governement, l’immigration juive et la vente de terres arabes aux Juifs sont limitées.

32 Les csq de la 2nde GM.

Affaiblissement des positions stratégiques et des moyens britanniques Renforcement des positions sionistes. Bien que radicalement hostiles au Livre blanc de 1939, les dirigeants du Yichov choisissent de participer à la guerre aux côtés des Alliés (ce qui leur permet de renforcer très sérieusement leur potentiel militaire). D’autre part la Shoah donne pleine légitimité au sionisme au sein des communautés juives dans le monde entier.
Affaiblissement des Palestiniens en raison des dérives pro allemandes des nationalistes arabes en général et du Mufti de Jérusalem en particulier (il affiche son amitié pour l’Axe, met en place un régiment de volontaires musulmans luttant aux côtés de la Wehrmacht et rencontre Hitler à Berlin en nov. 1941).

La Palestine compte en 1945 1,76 millions d’hbts dont 1,2 millions d’Arabes et 550 000 Juifs).
Or les sionistes ne peuvent envisager un Etat juif qui ne serait pas très majoritairement juif (60% pensait Ben Gourion). Compte tenu du fort taux de croissance démographique des Palestiniens arabes, les Juifs veulent intensifier l’immigration et se rallient au principe d’une partition de la Palestine, ce que refusent les Britanniques soucieux de préserver leur alliance avec les pays arabes.
Mais la GB est confrontée au pb des Juifs désireux de quitter l’Europe alors que les EU ne
souhaitent pas leur ouvrir largement leurs frontières. Ils se heurtent à la fois aux sionistes (les plus radicaux se lancent dans l’affrontement avec eux), aux pressions des communautés juives dans le monde et aux EU.

Devant l’impossibilité d’imposer une solution, les Anglais choisissent de transmettre la
question à l’ONU dont le Comité spécial constitué à cette fin (UNSCOP) élabore un plan de partage voté en nov. 1947. L’Etat juif inclut 55 % du territoire pour 30% de la population, l’Etat arabe 45% du territoire pour 70% de la population (mais l’Etat juif inclut 558 000 Juifs et 405 000 Arabes). Une zone internationale avec 10 6 000 Arabes et 100 000 Juifs inclut Jérusalem. Un traité d’union économique serait conclu entre les deux Etats et les deux Etats devraient garantir les droits de leurs minorités.

Les sionistes acceptent ce plan (ainsi que les EU et l’URSS). Les Palestiniens arabes le
rejettent, suivis par les Etats arabes et la GB soucieuse de ménager ses clients. Elle annonce son retrait unilatéral de Palestine pour le 15 mai 1948.

33 La guerre civile entre Juifs et Arabes palestiniens et le Plan Dalet (fév. 1948-mai 1948).

La résolution de l’ONU de 1947 suscite une violente colère dans le monde arabe et en Palestine. Dès le 30 novembre, une grève générale de 3 jours est déclenchée et les Palestiniens s’attaquent aux Juifs. En dépit de pertes sérieuses, les Juifs tiennent bon et l’offensive ne les met pas véritablement en danger. Ils reçoivent en avril 1948 un premier envoi d’armes de Tchécoslovaquie, Staline ayant décidé de jouer le soutien au Yichov pour peser dans la région. La Haganah peut alors passer à l’offensive. Ses succès s’accompagnent d’exactions au détriment des civils palestiniens, exactions qui provoquent la panique et la fuite de la population arabe.

Ces massacres s’inscrivent dans le cadre du plan Dalet qui vise à conquérir la plus grande partie possible de la Palestine et à la rendre aussi ethniquement pure que possible. Les travaux de B Morris ( The Birth of the Palestinian refugee problem 1987) ont établi que 369 villes et villages arabes ont été vidés de leur population et que dans 5 cas seulement, les populations obéissent à l’injonction des autorités arabes locales.
Les analyses d’I Pappé (La guerre de 1948 en Palestine 1947-1951) concluent nettement que « le plan Dalet peut être apprécié à beaucoup d’égards comme une stratégie d’expulsion. Ce plan n’a pas été conçu à l’improviste. L’expulsion était considérée comme un des nombreux moyens de représailles après les attaques arabes contre les convois et les implantations juifs ; elle n’en était pas moins perçue comme un des meilleurs moyens d’assurer la domination des Juifs dans les régions prises par l’armée israélienne ». Le plan Dalet implique donc la destruction de nombreux villages arabes et l’expulsion des populations arabes. Il est mis en œuvre de manière systématique (Haïffa le 22 avril, Jaffa le 13 mai, Galilée, route Tel Aviv-Jérusalem) au fur et à mesure des départs des forces britanniques que les sionistes évitent désormais d’affronter.

Le directeur du Fonds national juif J Weitz écrit d’ailleurs « Il doit être clair que dans ce pays, il n’y a pas de place pour deux peuples…La seule solution c’est le pays d’Israël sans Arabes…Il n’y a pas d’autre moyen que de transférer les Arabes d’ici dans les pays voisins ». Et Israël en dépit de la résolution 194 de l’ONU de Déc. 1948 exigeant le retour des réfugiés organise l’interdiction matérielle du retour : les villages sont détruits ou investis par de nouveaux immigrants juifs, leurs terres sont réparties entre les kibboutzim environnant. La loi sur les « propriétés abandonnées » permet de confisquer les biens de toute personne « absente » et légalise cette spoliation généralisée. Près de 400 bourgades arabes sont ainsi rayées de la carte ou judaïsées. Faute de trouver une « Terre sans peuple », les sionistes font le vide.

La proclamation de l’Etat d’Israël et le déclenchement de la 1ère Guerre israélo-arabe.

L’impasse à L’ONU sur les moyens de rétablir la paix, les victoires de la Haganah et le désarroi des réfugiés conduisent la Ligue arabe réunie le 12 avril au Caire à décider sans enthousiasme cependant une intervention directe dans le conflit.
Les dirigeants sionistes décident de leur côté de proclamer un Etat juif le jour même du départ des Anglais malgré les menaces arabes mais avec l’assurance que Truman reconnaîtra cet Etat dès sa naissance. C’est fait le 14 mai 1948. Lors de cette proclamation, il n’est rien dit des frontières de l’Etat d’Israël : désormais la stratégie israélienne c’est de profiter de l’agression arabe pour étendre au détriment des Palestiniens arabes le territoire de l’Etat juif et vider ce dernier de l’essentiel de sa population arabe.
Les Palestiniens en revanche refusent de proclamer un Etat palestinien car ce serait reconnaître un partage qu’ils récusent.

IV 1948 2009 La paix impossible ?

41 1948-1949 la 1ère Guerre israélo arabe.

Cette guerre très vite victorieuse permet à Israël d’annexer une partie du territoire prévu pour l’Etat palestinien (Galilée occidentale, une partie de la bande de Gaza, des territoires en Cisjordanie dont Jérusalem ouest ; au total Israël s’étend sur 78% de l’ancienne Palestine du mandat britannique au lieu de 55% initialement) cependant que la Transjordanie annexe la Cisjordanie et que l’Egypte occupe la partie de la bande de Gaza non annexée par Israël.

Elle aggrave le problème des réfugiés palestiniens : en 1949, plus de 720 000 Palestiniens ont quitté leur pays. Les Palestiniens arabes deviennent un peuple sans Etat.

42 Les Guerres israélo arabes de 1956 et 1967.

Au cours des années 1950, les Etats arabes consolident leur indépendance par rapport à la GB (Egypte en 1952, Irak en 1958). Toutefois le Moyen Orient reste soumis aux jeux d’influence des grandes puissances, désormais l’URSS et les EU, chacun disposant de relais dans la région. Israël devient l’allié majeur des EU cependant que les Soviétiques soutiennent les Palestiniens et les Etats arabes hostiles à Israël (Egypte, Syrie, Irak).
A partir de 1956 (crise de Suez), Nasser devient incontestablement le leader du nationalisme arabe. Il se doit alors de faire avancer l’unité du monde arabe (RAU en 1958-61), de promouvoir un projet économique et social modernisateur et progressiste et d’être à la tête du mouvement de lutte contre Israël. Ses échecs en matière d’unité et de développement le conduisent à une stratégie de tension et de surenchères mal maîtrisées qui permettent à Israël de déclencher et de gagner en 1967 la Guerre des Six Jours.

Celle-ci est un tournant majeur avec l’occupation par Israël de la Cisjordanie, de la bande de Gaza, du Sinaï et du plateau du Golan. Avec aussi l’humiliation et la radicalisation des populations arabes. Avec enfin une nouvelle aggravation du problème des réfugiés.

Depuis 1967, les Palestiniens sont dispersés en trois sous ensembles (données 1993) : – une minorité vit en Israël avec une citoyenneté limitée (800 000 ) – 2 millions vivent sous administration militaire israélienne dans les territoires occupés. – plus de 4 millions constituent une vaste diaspora (dont 2 millions en Jordanie).

43 Le mouvement national palestinien.

Les Palestiniens sont tout à fait conscients du fait que les Etats arabes (dont l’Egypte de Nasser) instrumentalisent leur situation à leurs propres fins. D’où leur volonté de conduire eux mêmes leur combat de libération nationale. C’est pourquoi Y. Arafat fonde en 1964 l’OLP qui fait d’une part le choix d’une stratégie de refus de reconnaître la légitimité de l’existence même d’Israël et d’autre part celui de l’action terroriste comme seul moyen permettant de poser le problème palestinien à l’échelle internationale (détournements d’avions à partir de 1968, assassinat des athlètes israéliens lors des JO de Munich en 1972).

L’OLP entretient des relations difficiles avec les Etats arabes en principe alliés mais peu
soucieux de lui laisser empiéter sur leur souveraineté (massacres et expulsion de Jordanie en 1970, déstabilisation du Liban et guerre civile après 1970).

44 La Guerre du Kippour (1973)

Depuis 1967, l’Egypte prépare sa revanche avec l’appui des Soviétiques. En dépit de la
défaite finale, les succès initiaux des armées arabes mettent fin aux humiliations antérieures et permettent d’envisager des négociations avec Israël.
Cette guerre et également maquée par un engagement massif des deux Grands aux côtés de leurs clients et par l’utilisation de l’arme du pétrole ce qui fait prendre conscience que la prospérité du monde entier peut être menacée par les crises du MO.

45 De la paix avec l’Egypte aux Accords d’Oslo. (1979 -1993)

L’Egypte entend tirer son épingle du jeu. Elle rompt avec les Soviétiques et accepte de négocier avec Israël avec qui elle signe une paix séparée (Accords de Camp David en 1978 puis traité de Washington en 1979). Mais elle reste isolée face à un front du refus (Irak, Syrie, OLP, Libye, Algérie) soutenu par l’URSS. En dépit de leurs pressions, les Israéliens n’obtiennent pas une paix séparée avec le Liban et choisissent d’intervenir dans ce pays en 1982 pour en chasser l’OLP. Si ce dernier point est acquis, l’OLP n’est nullement anéantie et les Israéliens doivent se résoudre à évacuer le Liban en 1982 sans traité de paix.

En Palestine, Israël se montre totalement intransigeant et inaugure une politique très dangereuse à terme en implantant au mépris de la loi internationale des colonies juives dans les territoires occupés depuis 1967.

Le mouvement national palestinien connaît alors un double changement. D’une part, les
partisans de compromis l’emportent sur les plus radicaux : en 1988, le mouvement accepte la reconnaissance du droit d’Israël à l’existence et renonce au terrorisme international. D’autre part en Cisjordanie et à Gaza commence en 1987 la 1ère Intifada (affrontements entre Palestiniens et colons juifs des territoires occupés) qui concrétise la participation populaire aux luttes de libération nationale.

Dans un contexte régional qui change très vite (montée en puissance de l’islamisme radical,
effondrement de la puissance soviétique, guerre Iran – Irak entre 1980 et 1988, 1ère Guerre du Golf en 1990), les EU semblent en mesure de peser en faveur d’une paix en Palestine. Depuis 1988, ils pensent que la politique d’Israël est un obstacle au progrès du processus diplomatique et ils nouent des contacts directs avec les Palestiniens.
En août 1991, EU et URSSS initient une conférence de paix Israélo arabe qui s’ouvre à Madrid en octobre. Elle s’enlise mais en août 1993, les Accords d’Oslo entre Y. Arafat et I. Rabbin révèlent que tout s’est joué discrètement en coulisses. Suivent les Accords de Washington (sept 1993) mettant en place un processus devant conduire par étapes à la formation d’un Etat palestinien en Cisjordanie et à Gaza selon le principe d’une négociation « les territoires contre la paix ».

46 Des Accords d’Oslo aux Accords de Taba (1993-2001)

En dépit des difficultés considérables (dont le pb des colonies juives en Cisjordanie et à Gaza), le processus avance : en juillet 1994, Arafat s’installe à Gaza et les forces israéliennes entament leur retrait de Gaza et Jéricho. Cela débloque aussi les négociations entre Israël et la Jordanie (traité de paix en oct. 1994). En fév. 1995, un accord (Oslo II) entre Israël et l’OLP permet l’élection du Conseil de l’autonomie palestinienne et du Parlement de l’autorité palestinienne. En janvier 1996, Arafat est élu à la présidence des Territoires autonomes ce qui conforte sa légitimité et en avril 1996, l’OLP renonce officiellement à la lutte armée contre Israël.

Mais fin 1995-début 1996 tout bascule devant la radicalité des extrémistes. En nov. 1995, I. Rabin qui portait le mouvement de négociation, est assassiné par un extrémiste juif. Au printemps 1996 des attentats commis par le Hamas révoltent les Israéliens et en mars 1996, des élections en Israël voient la victoire du Likoud et l’arrivé au pouvoir de B Netanyahou bien décidé à bloquer le processus de paix par un triple refus : non à un Etat palestinien, non à la restitution du plateau du Golan aux Syriens, non à la division de Jérusalem entre Palestiniens et Israéliens. Et il marque sa détermination en reprenant la politique de développement des colonies juives en territoires palestiniens. Sans être totalement interrompu, le processus de paix s’enlise et la méfiance réciproque revient au premier plan, entretenue par les attentats meurtriers d’une part et les implantations de colonies d’autre part.

La victoire du travailliste E Barak lors des élections anticipées de 1999 ouvre à nouveau des
perspectives. Le 3 septembre 1999, un accord prévoit des retraits israéliens devant aboutir au contrôle par l’Autorité palestinienne de 42% de la Cisjordanie, Jérusalem-Est exceptée. La situation se détend également au Liban : le 23 mai 2000, E. Barak annonce le redéploiement, « dans les jours qui viennent, à la frontière internationale », des forces israéliennes stationnées dans le sud du Liban.
En dépit de l’échec de négociations tenues en juillet 2000, à Camp David sous l’égide du Pdt Bill Clinton et d’un contexte très tendu (28 septembre 2000, visite d’Ariel Sharon, chef du Likoud, sur l’esplanade des Mosquées à Jérusalem et déclenchement de la deuxième Intifada), le sommet de Taba (janvier 2001) témoigne de la possibilité d’un accord entre Israéliens et Palestiniens. Si des différends importants demeurent (par exemple sur la question des réfugiés palestiniens), rien n’interdit leur règlement par de futures négociations pour peu que la volonté d’aboutir existe.

47 Depuis 2001

Schématiquement on peut analyser la situation en faisant l’hypothèse que les dirigeants israéliens ne veulent pas de la création d’un Etat palestinien viable. Ils refusent de négocier la paix contre les territoires avec des dirigeants forts (Arafat) qu’ils font tout pour affaiblir (ainsi ont-ils soutenu le Hamas en jouant un mouvement religieux contre le nationalisme laïc d’Arafat) mais refusent de négocier avec des dirigeants faibles qui seraient incapables de faire respecter les engagements pris.

Au mépris de la loi internationale ils colonisent le territoire du futur état palestinien selon des logiques que l’examen des cartes rend évidente : le morceler, le rendre non viable à terme. Et ils construisent une barrière de sécurité qui empiète encore sur le territoire palestinien…

Les dirigeants israéliens sont largement responsables de la radicalisation des Palestiniens et des succès d’un mouvement comme le Hamas à Gaza car ils préfèrent avoir en face d’eux un mouvement terroriste avec lequel il est facile d’avancer que toute négociation est impossible plutôt que des dirigeants condamnant le terrorisme mais auxquels il faut faire des concessions.

En février 2001, E Barak est contraint à des élections législatives anticipées que les travaillistes perdent. A Sharon et le Likoud reviennent au pouvoir, bien décidés à ne rien céder aux Palestiniens. L’année 2001 est marquée par la recrudescence des violences, les représailles de l’armée israéliennes en Cisjordanie et à Gaza répondant aux attentats-suicides palestiniens. Les assassinats « ciblés » d’extrémistes palestiniens et les incursions en territoire autonome palestinien se multiplient. Les opérations israéliennes visent de plus en plus directement l’Autorité palestinienne et Y. Arafat, avec qui le Premier ministre Ariel Sharon rompt toute relation à la fin de l’année. Les attentats du 11 sept. 2001 aux EU permettent à A Sharon d’obtenir le soutien inconditionnel de G Bush dans sa politique de refus de toute négociation et la situation ne cesse de se dégrader.

A Sharon tient pour négligeable l’ « Initiative de paix arabe » adoptée par la Ligue Arabe à l’unanimité de ses États membres, y compris l’Autorité palestinienne, bien qu’elle propose à Israël la normalisation de ses relations avec l’ensemble des États arabes en échange d’un retrait intégral des territoires conquis en 1967, d’une solution juste et agréée de la question des réfugiés palestiniens, et de l’acceptation de la création d’un État palestinien indépendant et souverain avec Jérusalem-Est pour capitale.

En 2003, Israël engage la construction d’un « mur de séparation » empiétant sur les territoires palestiniens et annonce le retrait unilatéral d’Israël de la bande de Gaza, retrait effectif en 2005 sans aucune concertation avec les dirigeants palestiniens. Israël mène donc une politique qui ne peut que provoquer la radicalisation des Palestiniens. L’année 2006 a été marquée par la victoire du Hamas lors des élections législatives palestiniennes, ce qui témoigne de l’exaspération des Palestiniens devant le blocage du processus de paix et devant les graves insuffisances des dirigeants du Fatah. Après des affrontements sanglants entre milices du Hamas et Fatah dans la bande de Gaza fin 2006, le Hamas a pris le contrôle de la bande de Gaza en juin-juillet 2007.
Ce mouvement refuse de reconnaître l’existence de l’Etat d’Israël dont il prône la destruction par la lutte armée. Il procède régulièrement à des tirs de missiles sur les villes israéliennes à sa portée (34 morts en 4 ans). Il impose la loi islamique à la population de Gaza par la violence (assassinats de palestiniens hostiles). Il permet aux dirigeants israéliens de justifier une politique intransigeante incluant, outre des assassinats ciblés de responsables du Hamas et des interventions militaires brutales (printemps 2008), le blocus de la bande de Gaza, ce qui soumet la population à des conditions d’existence inhumaines.

De leur côté les dirigeants du Hamas, après avoir accepté une trêve de 6 mois en juin 2008, décident de la rompre en décembre car Israël refuse de lever le blocus de la bande de Gaza. Ils pensent rassembler ainsi le peuple palestinien autour d’eux en déclenchant un cycle de répression.

Le 27 décembre, Israël lance l’opération « Plombs durcis », une offensive aérienne contre le Hamas dans la bande de Gaza. Au moins 400 Palestiniens sont tués les premiers jours. Le 3 janvier 2009, l’offensive terrestre commence. Depuis le 27 décembre, l’offensive israélienne a donné lieu à un véritable massacre de civils (un millier de morts dont au moins 50% de civils dont beaucoup de femmes et d’enfants) avec utilisation d’armes prohibées contre les populations civiles (phosphore blanc).

CONCLUSION

« Le sionisme se heurte à une double objection que les faits eux-mêmes ne cessent de lui opposer.
Se fixant pour but de donner au Juifs un havre de paix, le sionisme a créé un état qui n’a pas cessé de vivre dans la précarité. La cause c’est la spoliation des Palestiniens avec ses conséquences ». M LIEBMANN Né juif.
(M Liebman 1929-1986, a enseigné l’histoire des doctrines politiques et la sociologie politique à l’Université Libre de Bruxelles et à la Vrije Universiteit Brussel. Il fut aussi un précurseur du dialogue israélo-palestinien).

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