14 mai 2011

Rapport du Groupe d’éminentes personnalités du Conseil de l’Europe : Les 17 recommandations stratègiques

1. Les personnes qui s'installent dans un nouveau pays pour y vivre, et leurs descendants, ne devraient pas se voir exiger d’abandonner leur foi, leur culture ou leur identité. Mais, comme n'importe qui d'autre, elles doivent obéir à la loi, devraient apprendre la langue de la majorité de leurs nouveaux voisins, et s'efforcer de se rendre utiles à la société dans laquelle elles vivent.

2. Étant donné qu’il est demandé aux résidents du territoire d'un État d'obéir aux lois de ce dernier, nous sommes persuadés, au nom d'un principe démocratique fondamental, qu'ils devraient avoir leur mot à dire dans l’élaboration de ces lois. Tous les États devraient donc s'efforcer d'étendre l'intégralité des droits et obligations civiques, y compris le vote, au plus grand nombre possible de leurs résidents.

3. Nous encourageons tous les États membres du Conseil de l’Europe qui ne l’auraient pas encore fait à s'acheminer vers un droit moderne de la nationalité, où l'éligibilité à la nationalité est jugée sur des critères civiques plutôt qu’ethniques.

4. Une fois la nationalité octroyée, les droits et privilèges qu'elle confère devraient être identiques pour tous sur un même pied d'égalité.

5. Comme première mesure en ce sens, les non-nationaux de quelque pays que ce soit devraient être autorisés à voter aux élections locales de toutes les villes et régions où ils ont établi leur résidence (comme c'est déjà le cas pour les ressortissants de l'Union européenne résidant dans un État membre autre que le leur).

6. Nous demandons instamment aux dirigeants européens, à tous les niveaux et dans tous les secteurs (politique, culture, médias, éducation, société civile), de faire preuve d'un véritable leadership en condamnant les déclarations extrémistes, racistes, xénophobes et anti-immigrés où que ce soit et en quelque circonstance que ce soit ; et d'insister sur le fait que toutes les menaces criminelles de violences fondées sur des motifs raciaux, ethniques, religieux ou autres fassent systématiquement l'objet d'une enquête et de poursuites, sur la base des instruments juridiques existant au niveau national et international.

7. Chacun devrait être prêt, chaque fois qu’il y est confronté, à condamner les injures verbales et à corriger les images fausses concernant n'importe quel groupe. Les personnes en position d'autorité sont particulièrement concernées à cet égard, et doivent chaque fois que possible présenter de manière équitable et précise les croyances, cultures et activités d'autres groupes - ceci vaut également pour les personnes à qui la notoriété ou la profession donne un accès privilégié aux médias et à l'attention du grand public.

8. Étant donné que le débat politique actuel en Europe est alimenté par des informations trompeuses et des stéréotypes à l'égard de l'immigration, nous invitons instamment les États membres du Conseil de l’Europe à donner aux Européens une image plus réaliste de la situation des migrants et des besoins actuels et futurs de l'Europe en matière d’immigration, ainsi que de promouvoir un discours politique mieux informé sur l'immigration et la diversité.

9. Les pouvoirs publics, la police et les tribunaux à tous les niveaux, dans tous les États membres du Conseil de l’Europe, doivent faire tout ce qui est en leur pouvoir pour garantir que les immigrés (qu'ils aient ou non des papiers), les personnes de deuxième génération issues de l'immigration et les membres des minorités soient protégés, et pour faire en sorte que ceux qui les soumettent à des violences, des abus illégaux ou les exploitent soient appréhendés et punis conformément à la loi. Ils doivent également faire extrêmement attention à traiter tous les groupes de populations de manière identique, et à ne pas exercer à titre personnel, ou tolérer de la part de tout autre groupe ou institution, une quelconque discrimination à l'encontre des immigrés ou membres de minorités, que ce soit dans l'éducation, dans l'emploi ou dans l'accès aux biens, logements, espaces ou services publics. Lorsque cet accès est refusé indûment à quiconque pour des motifs de race, de religion, de genre ou d'orientation sexuelle, cette personne doit pouvoir faire valoir rapidement et complètement ses droits dans le cadre de la loi.

10.Les autorités compétentes à tous les niveaux devraient identifier les groupes particulièrement désavantagés sur le plan socio-économique (par exemple touchés de manière disproportionnée par le chômage, ayant un faible niveau d'éducation et/ou des revenus familiaux insuffisants, mal-logés) et déployer des efforts spéciaux, accompagnés de ressources appropriées, pour permettre aux membres de ces groupes, en particulier aux enfants et aux jeunes, de surmonter ces obstacles et de bénéficier d'une véritable égalité des chances par rapport au reste de la population.

11. Nous encourageons tous les États membres qui ne l'ont pas encore fait à améliorer et appliquer leurs lois à l'encontre de toute forme de discrimination dans tous les secteurs de la vie publique, y compris les médias. Cette action devrait être étayée par des mécanismes solides, bien compris par le grand public et appliqués par le gouvernement.

12. Étant donné que la situation des Roms dans toute l'Europe est un reproche permanent pour l'ensemble du continent, et constitue l'une des violations les plus persistantes par les Européens de ce que nous nous plaisons à nommer les « valeurs européennes », nous invitons les responsables européens à tous les niveaux à s'intéresser enfin au sort des Roms aggravé par leurs expulsions à grande échelle d'Europe de l'Ouest vers l'Europe de l'Est, et à traduire cet intérêt en actes qui élimineront effectivement les discriminations dont souffre ce groupe de population.

13. Les États ont le droit et le devoir de guider et de contrôler l'immigration, mais les gens qui se voient refuser le droit d'entrer dans un pays ou d'y demeurer ne perdent pas, pour autant, leurs droits humains fondamentaux. Nous invitons tous les Européens à traiter les demandeurs d'asile et migrants arrivant en Europe de manière équitable et humaine.

14. Ceux qui sont plus éloignés des points d'arrivée doivent être prêts à assumer pleinement leur part de cet effort. Pour cela, il faut que les États membres de l'Union européenne, et du Conseil de l'Europe, fassent preuve de solidarité et prennent leur part du fardeau.

15. Nous invitons tous les États membres de l'Union européenne et du Conseil de l'Europe à travailler à une politique migratoire complète, cohérente et transparente, étant donné que l'absence d'une telle politique crée des problèmes aigus, qui souvent doivent être traités au niveau local.

16. Nous recommandons de recourir à la médiation pour résoudre les différends à tous les niveaux politiques, en particulier au niveau local, et invitons instamment les autorités à faire en sorte qu’un nombre suffisant de gens soit formé pour assurer cette fonction.

17. Nous invitons tous les peuples d'Europe à tendre la main avec solidarité aux peuples d'autres parties du monde, en particulier à leurs voisins du Proche-Orient et d'Afrique du Nord qui démontrent aujourd'hui, avec un tel courage, leur attachement aux valeurs universelles de liberté et de démocratie. Nous saluons tout spécialement le courage et la sagesse de ceux qui s'efforcent, ou se sont efforcés, de parvenir à la liberté sans violence, même lorsqu'ils sont menacés d'extrême violence par leurs oppresseurs. C'est pourquoi nous invitons urgemment les grandes institutions européennes (Conseil de l'Europe, Union européenne, Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe) à élaborer des politiques globales en direction des pays du sud et de l'est de la Méditerranée, du Proche-Orient et d'Asie centrale, et de leur permettre, si et quand ils le demandent et sont en mesure d’en tirer profit, de bénéficier de l'expérience et de l'expertise de l'Europe s'agissant d'instaurer des sociétés fondées sur l'État de droit, la démocratie et les droits de l'homme, notamment en leur permettant de participer, selon un statut approprié, aux travaux des institutions européennes et aux conventions européennes. Une telle politique doit également permettre aux Européens de tirer profit de l'expérience et de la sagesse de leurs voisins, et de mieux apprécier l'héritage historique et culturel apporté en Europe par bon nombre de ceux qui s’y sont établis récemment.

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